DIY 
                  - Fais-le toi-même
                 
                  
                  DIY et scène artistique
                  
                  
                  L'art envisagé en tant que marchandise ne peut engendrer que 
                  des produits vidés de toute subversion, et même de tout sens. 
                  Quand il est destiné à être vendu avec profit, l'art doit s'adapter 
                  à " la demande " (ou ce qu'on croit être la demande), plus la 
                  notion de profit est présente plus " l'œuvre " doit être consensuelle 
                  pour être distribuée massivement : Elle ne doit choquer personne 
                  ni même contenir un quelconque message politique. Si la notion 
                  de rentabilité est prise en compte, les contraintes créant le 
                  cadre de l'œuvre ampute la liberté de l'artiste. 
                  C'est vrai au niveau musical, même sans parler des faux artistes 
                  produits uniquement pour vendre à grand renfort de marketing 
                  et ou la créativité atteint son niveau zéro. Mais c'est également 
                  valable pour les œuvres sur commande dans la peinture ou la 
                  sculpture, dans l'industrie cinématographique dramatiquement 
                  standardisée, ou dans la littérature pour laquelle les choix 
                  des éditeurs, même dit indépendants, sont dictés par les thèmes 
                  à la mode du moment. 
                  
                  S'il existe des artistes dont l'œuvre n'a pas été dénaturée 
                  par les contraintes économiques, qui ont profité d'une liberté 
                  totale de création tout en ayant un succès commercial, soit 
                  l'œuvre est antérieure à la démarche commerciale (souvent après 
                  la mort de l'artiste, par le fait de ses ayant droit), soit 
                  l'artiste s'est contredit par rapport au sens de son œuvre et 
                  dans ce cas, l'œuvre perd sa crédibilité au niveau du sens et 
                  donc sa raison d'être. 
                  
                  L'offre influe sur la demande et inversement, on assiste donc, 
                  dans le cas de l'art marchandise, au cercle vicieux suivant 
                  : L'industrie du disque produit massivement une vague soupe 
                  aux mélodies faciles, sa force de vente (marketing, points de 
                  vente, intérêt communs avec les radios, chaînes de télé et autres 
                  médias…) lui permet de toucher un public large et peu exigeant 
                  (souvent les pré-adolescents pour commencer), les goûts de ce 
                  public sont influencés par cette offre et se standardisent, 
                  standardisation accentuée par le phénomène de mode qui alimente 
                  sa propre sur-médiatisation. L'industrie du disque, à la recherche 
                  d'investissements sûrs, calque alors ses futures productions 
                  sur cette demande artificiellement créée, ce qui alimente le 
                  phénomène d'uniformisation. Et ainsi de suite… On peut observer 
                  cette mécanique dans les années 60 à l'époque des " yéyés ", 
                  au moment ou l'industrie des loisirs s'aperçoit que les adolescents 
                  du baby boom représentent un pouvoir d'achat énorme et se lance 
                  dans le recyclage à la française des tubes américains. On peut 
                  la vérifier également pour les boys bands des années 80, les 
                  chanteuses canadiennes des années 90, les cycliques tubes latino 
                  de l'été, les pop stars academy etc. etc. 
                  
                  Le risque, à terme, de la standardisation des goûts musicaux 
                  et artistiques (qui s'ajoute à celle des goûts esthétiques et 
                  même culinaires) est évidemment l'uniformisation de la pensée. 
                  Ce conformisme ambiant est déjà une réalité. 
                  
                  Le " non-profit " se présente donc comme une condition essentielle 
                  à la survie de l'art et le DIY semble être la seule voie viable 
                  pour un art libre et créatif. La structure même du mouvement 
                  DIY, qui consiste en un réseau d'une multitude de groupes, de 
                  labels, de distros, de radios, de lieux de concert indépendants 
                  et non-profit, est garante de la diversité et, sinon de la gratuité, 
                  au moins d'un coût réduit à celui du support matériel ce qui 
                  favorise le partage et la diffusion. Le Peer to Peer (partage 
                  de fichiers entre particuliers sur internet, avec Emule par 
                  exemple) est un moyen de diffusion très adapté à la scène DIY, 
                  la quasi-gratuité du téléchargement autorise une multiplication 
                  des échanges, la découverte rapide d'un maximum de groupes… 
                  Cette forme de partage a l'avantage d'affaiblir l'industrie 
                  du disque basée sur le profit, tout en facilitant la promotion 
                  et le développement de la scène alternative. 
                  
                  Le DIY est de toute façon, et quelque soit le style musical, 
                  la première méthode qui s'impose à tout amateur ou débutant. 
                  Ne disposant pas des financements importants de l'industrie 
                  capitaliste, il s'agit de se débrouiller avec ce dont on dispose 
                  pour réaliser et diffuser son œuvre. Le DIY est également synonyme 
                  de bricolage en anglais. Il peut être vécu comme un état de 
                  fait incontournable (et temporaire, si possible) pour certains 
                  ou comme un but en soi pour d'autres : Dans l'exercice du DIY, 
                  la créativité peut se manifester autant au niveau de la démarche 
                  que dans le résultat final. Gérer au mieux ses ressources pour 
                  aboutir à l'objectif demande un effort de réflexion, une souplesse 
                  d'esprit, et l'acquisition d'un savoir-faire. Le manque de moyens, 
                  qui peut sembler être un handicap (pour la production et la 
                  distribution d'un album, l'organisation d'un concert par exemple), 
                  se révèle être l'opportunité de s'associer avec d'autres personnes, 
                  de découvrir des bons plans (supprimer les intermédiaires inutiles, 
                  échanger des services…) et de faire appel au système D. Dans 
                  ce mode d'organisation, le manque de moyen renforce finalement 
                  la structure puisque les liens avec les autres éléments du réseau 
                  sont nécessaires et donc recherchés, la solidarité s'impose 
                  d'elle-même. 
                  
                  Il est intéressant de constater la forte proportion de musiciens 
                  amateurs, et d'activistes de toutes sortes dans le milieu alternatif. 
                  A l'origine, le punk est une musique volontairement minimaliste 
                  et techniquement accessible pour un débutant. Les formations 
                  spontanées de groupes se sont multipliées car il n'était plus 
                  nécessaire d'être un musicien accompli pour jouer du rock, surtout 
                  quand il s'agissait d'exprimer une rage immédiate. Cette "démocratisation" 
                  de l'accès à la pratique musicale, même parfois techniquement 
                  rudimentaire, s'est répandue de manière quasi virale parmi les 
                  nouveaux pratiquants décomplexés. Depuis les années 70, cette 
                  épidémie a touché tous les continents depuis l'Asie jusqu'en 
                  Amérique latine, et même de manière embryonnaire en Afrique 
                  du Nord. Des dizaines de milliers de groupes existent à présent, 
                  le style musical s'est considérablement développé et enrichi 
                  du fait de cette diversité. La créativité se nourrissant de 
                  la diversité, c'est par l'enrichissement mutuel de plusieurs 
                  scènes musicales qu'on obtient les styles les plus aboutis. 
                  Le niveau technique et la sophistication ont suivi avec l'intégration 
                  du métal, par exemple, pour donner les innombrables étiquettes 
                  stylistiques que l'on connaît actuellement dans les familles 
                  hardcore, grind, crust, emo, skapunk etc… Ce développement international 
                  de la pratique DIY, même s'il faut le relativiser, a également 
                  permis la transmission des idées qui lui sont (parfois) associées, 
                  notamment l'anarchisme, par l'intermédiaire du mouvement anarchopunk. 
                  
                  On a ici l'exemple de l'émergence d'une culture qui s'est transmise 
                  par la pratique au sein des couches populaires ou de la classe 
                  moyenne, et non à partir d'une élite ou d'un martèlement médiatique. 
                  Ecouter de la musique c'est très bien, en faire c'est mieux… 
                  L'épanouissement passe par la réalisation. 
                  
                  L'apprentissage est plus rapide par l'expérimentation que par 
                  la théorie. Chacun a pu en faire l'expérience, avant de démarrer 
                  une tâche nouvelle, on pense en être incapable ou, à l'inverse, 
                  on sous estime le temps et le savoir-faire qu'elle requiert. 
                  Le faire soi-même, c'est prendre l'exacte mesure de la complexité 
                  du projet, acquérir une compétence et finalement, en savoir 
                  plus sur soi-même et sur ces capacités. C'est le départ d'une 
                  philosophie de vie incompatible avec l'organisation sociale 
                  actuelle fondée sur la passivité et la délégation de pouvoir. 
                  
                  
                
                  
                  DIY comme mode de vie 
                  
                  
                  La philosophie du Do It Yourself est caractérisée par les notions 
                  d'action, d'indépendance, d'autogestion et de ré-appropriation. 
                  Le DIY émerge en réaction à l'aliénation de l'individu qu'a 
                  progressivement imposé le modèle capitaliste :
                  
                  - La dépossession des savoirs-faire qui nous a rendus progressivement 
                  dépendant de la société de consommation : Avec l'urbanisation 
                  et la généralisation du salariat, l'agriculture ou l'artisanat, 
                  par exemple, ont largement disparu des foyers au cours du 20e 
                  siècle. 
                  
                  - Le cloisonnement et la parcellisation des tâches sur le modèle 
                  du taylorisme, qui éloigne l'ouvrier de sa réalisation, résumant 
                  son implication à un travail absurde et répétitif, qui sera 
                  d'ailleurs plus tard remplacé par des robots. 
                  
                  - L'instauration implicite d'une concurrence entre individus, 
                  chacun devenant une source de profit, une micro-entreprise. 
                  Ce phénomène est accentué par le développement important du 
                  travail intérimaire et de ce qu'on appelle pudiquement la flexibilité. 
                  
                  
                  L'école nous apprend la passivité et la soumission, nous subissons 
                  le travail, nous consommons les loisirs, nous déléguons la gestion 
                  de nos vies aux bureaucrates et hommes politiques. La dépendance 
                  au système s'est matérialisée en argent et l'initiative individuelle 
                  est étouffée dans une culture de l'apathie généralisée entretenue 
                  par les médias. 
                  
                  La philosophie DIY n'est pas seulement valable pour le secteur 
                  artistique, et ses applications concernent tous les niveaux 
                  de la vie. Par exemple, dans la mesure du possible : 
                  - Remplacer un travail salarié par sa propre activité socialement 
                  utile. 
                  - Créer son activité politique si ses idées ne sont pas ou peu 
                  représentées.
                  - Manger sur mesure et moins cher, plutôt que d'acheter des 
                  plats tout prêt fait hors de prix, dont on ne sait rien du contenu 
                  et de la fabrication. 
                  - Faire du sport plutôt qu'en être (télé)spectateur 
                  - Pour les fumeurs, cultiver son propre cannabis plutôt que 
                  d'acheter à prix fort du shit souvent coupé qui engraisse la 
                  mafia et certaines dictatures. 
                  - Bricoler, faire de la récupération, pour éviter le gaspillage, 
                  la pollution, pour boycotter la consommation et les marques, 
                  pour faire des économies… 
                  
                  Bref, devenir acteur de sa vie au lieu de la subir. Dans tous 
                  les cas, la démarche est beaucoup plus intéressante, on apprend, 
                  on expérimente, on comprend, on rencontre… le bénéfice humain 
                  est considérable. On évite l'ennui et la morosité tellement 
                  répandus dans notre société. 
                  
                  Proche de la pensée situationniste et anarchiste, la philosophie 
                  du DIY repose sur une construction des situations en dehors 
                  du carcan capitaliste, une révolution du quotidien où la subversion 
                  est autant dans la démarche que dans la réalisation finale. 
                  
                  
                  DIY ne veut pas forcément dire " fais-le tout seul ", au contraire, 
                  c'est même un synonyme d'autogestion. Quand la réalisation est 
                  collective le sentiment d'accomplissement est encore plus fort 
                  car en dehors de l'objectif, l'intérêt est encore dans la manière 
                  dont le projet a été réalisé. S'organiser sans structure hiérarchique, 
                  avec les avantages et les inconvénients que cela implique, ne 
                  s'apprend ni à l'école ni en entreprise. 
                  
                  Une perspective intéressante serait de transposer le mode de 
                  gestion DIY de la scène alternative à d'autres productions. 
                  La création de réseaux de production, de distribution et de 
                  trocs alternatifs est encore embryonnaire (sauf dans les pays 
                  qui ont eu une rupture économique, comme l'Argentine) mais il 
                  est probable qu'elle va s'intensifier à mesure que la pression 
                  économique augmente : Prenons l'exemple de l'agriculture : Les 
                  producteurs de fruits et légumes vendent à perte aux grossistes 
                  et centrales d'achat de la grande distribution qui s'octroie 
                  des marges énormes pour un prix de vente final qui ne l'est 
                  pas moins. La consommation baisse de 25 à 30% en un an du fait 
                  des prix élevés et les stocks d'invendus sont détruits. Résultat 
                  (en dehors du gaspillage) : L'acheteur et le producteur n'y 
                  trouvent pas leur compte, seul l'intermédiaire s'enrichi. La 
                  sacro-sainte loi du marché, celle de l'offre et de la demande, 
                  n'est plus vérifiée, en d'autres termes, le capitalisme s'étouffe 
                  dans son vomi et laisse une faille pour l'alternative. En rapprochant 
                  les acheteurs et le producteur par un réseau informel et logistique 
                  co-géré, on contourne le problème. 
                  
                  
                  
                  Ressources sur le DIY 
                  
                  http://www.subsociety.org/participation.htm 
                  
                  Traduction du texte " Participation is the key " rédigé par 
                  le groupe active minds qui donne des conseils pour s'impliquer 
                dans la scène DIY
                http://ecolib.free.fr
                  Comment construire une maison écologique démontable, 
                  auto organisée de 33m² pour une personne, pour un 
                coût de 2500 F